13 nov. 2012

L'asexualité est queer

Si vous ne connaissez pas encore l'Association pour la Visibilité Asexuelle, c'est le moment d'aller découvrir !
Ce qui suit est une traduction de Asexuality is queer, publié par Miller en septembre 2010.


Depuis un moment, je voulais écrire sur la relation entre les asexuels et la communauté queer. Ce sujet m'est cher, parce que je vis dans cette intersection. Je suis ouvertement gay et asexuel (ou plus précisément, entre les deux). Il est clair qu'il est dans mon intérêt que ces groupes s'entendent bien et soient les alliés l'un de l'autre. Mais je pense aussi que ces groupes devraient se rapprocher parce qu'ils font chacun progresser la cause de l'autre.

L'idéal queer est d'inclure radicalement toutes les minorités sexuelles et de genre. Cela ne veut pas seulement dire les gays, les lesbiennes, les bis et les transgenres. Ça veut dire la pansexualité, l'intersexualité, le polyamour, le fétichisme, les remises en question, la fluidité, l'asexualité, et l'intersection de toutes ces minorités avec le genre, l'origine ethnique, le handicap, la classe sociale, et tout ce que vous pouvez imaginer. L'idéal queer est de faire exploser toutes les fausses divisions binaires et les normes sociétales qui désavantagent excessivement ces minorités. C'est le rêve impossible.

Les asexuels font partie de ce rêve, mais pas juste parce que c'est une minorité sexuelle. Ce n'est pas non plus parce qu'il y a une intersection entre les asexuels et ces autres minorités, même s'il y a effectivement une grosse intersection.

Décomposition de la communauté asexuelle
Une décomposition de la communauté sur AVEN. Il faut être prudent, puisque ça ne repose que sur deux sondages sur internet, mais on n'aura pas de données vraiment meilleures que celles-là avant longtemps. "Romantic orientation" indique avec des personnes de quel(s) genre(s) les asexuels sont enclins à former des relations amoureuses. "Assigned" fait référence au sexe (garçon ou fille) qui a été assigné à la naissance. "Cis" veut dire que l'identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance.

L'asexualité fait partie du rêve impossible parce qu'elle remet en question beaucoup d'idées profondément ancrées sur la sexualité et les relations. Elle contredit l'idée que le sexe et l'amour vont toujours ensemble. On le sait tous déjà plus ou moins, inconsciemment, mais il n'y a pas de démonstration plus claire que l'existence de gens qui ont des sentiments amoureux mais pas de désir sexuel. Et évidemment les relations non sexuelles ne sont pas plus "pures" ; c'est juste comme ça que sont les gens, ça n'a rien à voir avec la vertu.

L'asexualité nous pousse à parler sérieusement de la fluidité. Les gens supposent souvent que les asexuels ont juste une maturité sexuelle tardive, ou qu'ils ou elles n'ont pas rencontré la bonne personne. Ces personnes ont une vision très naïve de la fluidité, comme si tout le monde changeait constamment, mais changeait dans des directions spécifiques, en rentrant dans des normes spécifiques. Beaucoup d'asexuels ne changent pas, mais quelques uns changent. Et ce n'est pas gênant, parce que les gens peuvent s'identifier d'une certaine façon sans avoir à s'engager définitivement avec une certitude absolue. Le mieux qu'on puisse faire est de proposer des espaces où les gens sont autorisés à se poser des questions sur eux, et où de nouvelles découvertes de soi sont acceptées, et même félicitées. La fluidité n'est pas une trahison, après tout.

L'asexualité contredit l'idée que les relations sexuelles et amoureuses sont la forme ultime des relations interpersonnelles et du succès. Si c'est le cas, pourquoi des gens se portent très bien sans ? Les relations sexuelles sont considérées comme l'unique et la meilleure source d'intimité dans nos vies, alors qu'en fait il existe d'autres sources. On a des amis, on fait partie de communautés, et on peut créer de nouvelles relations qui sont inclassables comme amitiés ou comme relations amoureuses. De la même façon que les homos ont ouvert de nouvelles possibilités pour les relations sexuelles, les asexuels ont le pouvoir d'ouvrir de nouvelles possibilités pour les relations non sexuelles.

Malheureusement, le rêve impossible n'est pas là, et les asexuels le savent. La communauté asexuelle est divisée entre les gens qui veulent faire partie du mouvement queer, et les gens qui ne veulent pas (manifestement, je suis radicalement avec les premiers). Quand on demande aux gens du second groupe pourquoi, ils donnent trois raisons. La première raison, c'est qu'ils ne sont pas gays, et donc ne font pas partie de la communauté gay. Je trouve que c'est triste, parce que ça veut dire que la communauté queer rate tellement son objectif d'inclusivité radicale que les gens ne la voient comme rien de plus qu'un groupe de gens homos.

La deuxième raison, c'est qu'ils trouvent qu'on a besoin d'espaces distincts. Cette objection vient juste d'un simple malentendu. Je ne milite pas pour qu'on dissolve nos différentes communautés et qu'on fusionne en un tout amorphe. Je suis pour qu'on soit tous alliés et amis, pour qu'on se battent pour les causes les uns des autres, et pour rendre nos espaces respectifs accueillants les uns pour les autres.

La troisième raison que les gens donnent, c'est qu'ils ont essayé de participer à un groupe queer, mais que ça ne s'est pas bien passé. Beaucoup d'asexuels, en découvrant le concept la première fois, pensent d'abord que l'endroit où aller est la communauté queer. Et quand ils y vont, ils découvrent que certains groupes queer ne sont pas plus tolérants que n'importe qui d'autre. Parfois ils sont pro-sexe de la manière la plus naïve qui soit. Souvent c'est simplement de l'ignorance, et rarement, de l'ignorance délibérée.

Il y a un problème plus difficile qui est le thème de ces groupes. Ils sont très axés sur le sexe. Et c'est très bien, jusqu'au moment où c'est à l'exclusion de tout le reste. Quand c'est la seule chose qui existe, je trouve que ça dénote un manque d'imagination.

Et au cas où tout ça paraîtrait sans espoir, laissez-moi vous dire une chose : je suis en train d'écrire ceci depuis un lieu queer à l'instant. Je suis assis dans une résidence universitaire aux couleurs LGBT, où je profite souvent des repas et d'internet. J'aime vraiment cet endroit. Je reconnais que si je me sens bien dans des endroits queers, c'est grâce à une série de circonstances heureuses. Mais certaines circonstances ne sont pas dues au hasard ! C'est le hasard si je suis suffisamment privilégié pour pouvoir aller à l'université, mais ce n'est pas le hasard si les groupes queers universitaires réussissent si bien à être radicalement inclusifs. C'est le résultats d'efforts continus et intentionnels. Continuons comme ça !


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