25 févr. 2012

Identité en VO

Ce texte est une traduction de Muttersprache, posté par Kaz en mai 2011 pour le festival A Carnival of Aces, 2e édition. Le thème était "l'intersection entre la race, l'ethnicité, la culture ou la nationalité, et l'identité asexuelle".


Bonjour, je m'appelle Kaz. Je suis asexuel·le. Le sexe me repousse. Mon orientation romantique est plutôt compliquée ; on pourrait appeler ça "divisé par concombre" ou "wtfromantic"1. Je réponds aussi à quelque chose entre aromantique et homo-romantique, et à homo-romantique-gris2 même si ça ne me correspond pas complètement, et même si "homo-romantique" n'est pas vraiment juste étant donné le détail que je suis genderqueer3. En tout cas, je cherche quelque chose qui n'est ni platonique ni romantique, mais queerplatonique4 ; je cherche une courgette5. Comme vous l'avez sûrement deviné, je passe pas mal de temps à essayer de décortiquer tous les morceaux qui constituent les identités asexuelles.

Hi, ich bin Kaz. Ich bin asexuell. Ich bin... äh... abgestoßen? Das kann's wohl nicht sein. Meine... romantische... sag mal, wie übersetzt man "wtfromantic"? "queerplatonic"? "zucchini"?! OK, ich geb auf.

[Traduction : Bonjour, je m'appelle Kaz. Je suis asexuel·le. Je suis... heu... "abgestoßen" ? Ça ne peut pas être ça. Mon... orientation... dis donc, comment on traduit "wtfromantic" ? "queerplatonic" ? "courgette" ?? Ok, je laisse tomber.]

Une des choses que je trouvais et trouve toujours vraiment frustrante et dommageable en tant qu'asexuel·le, était de ne pas avoir de mots pour les choses que je voulais : la façon dont je voyais le sexe, l'amour, les relations, était tellement inconnue que je n'avais aucun modèle, aucun exemple, et pas de nom pour les choses. Et je pense que vous savez comment continue l'histoire : je me suis baladé·e sur AVEN pendant un moment et j'ai repris leur vocabulaire, et après en être parti·e j'ai rencontré toute sorte d'asexuels avec qui je m'entendais bien, et ensemble on a commencé à partager nos expériences, à découvrir les formes de nos désirs et à forger nos propres mots. Je crois que c'est un processus extraordinaire et passionnant, et actuellement, au lieu de me mettre à bafouiller ou à dire que je suis détraqué·e, je peux vous sortir un paragraphe comme celui d'au-dessus pour décrire qui je suis et ce que je cherche.

En anglais.

En allemand ? J'en suis toujours à bafouiller.

Il est indubitable que c'est en partie de ma faute, parce que je ne suis jamais allé·e voir la partie allemande d'AVEN (même si je ne suis pas sûr·e qu'elle existait quand j'ai découvert le site en 2005), que je n'ai pas cherché d'informations sur les A allemands, ni de blogs allemands A. J'ai l'habitude de tout faire en ligne en anglais, vous voyez. J'ai réalisé un peu trop tard que si j'explore en ligne des parties vitales de mon identité, ça veut dire que je ne peux pas parler de certaines parties vitales de mon identité dans ma propre langue maternelle.

Je devrais probablement chercher les traductions dont j'ai besoin. (Et regardez comme rien que l'utilisation de ce mot montre le problème : traductions. Prendre les concepts de l'anglais et essayer de trouver un moyen de les décrire en allemand. Jamais dans l'autre sens.) Certaines existent, j'en suis sûr. Mais elles ne sont pas répandues, je ne les ai pas entendues, et j'ai simplement été trop lâche pour les chercher. J'ai été l'asexuel·le qui savait ce qu'ille était, pour qui les différentes catégories, groupes et noms sont passés dans le vocabulaire courant depuis longtemps. Trop longtemps pour qu'être de nouveau réduit au silence soit facile à vivre. L'idée de reprendre à zéro avec seulement le mot "asexuell" comme point de départ me fait peur, donc au lieu de ça j'évite la question.

De toute façon, d'autres parties du vocabulaire n'existent probablement pas en allemand. Certains mots ont été inventés sur mon blog ou sur d'autres, par moi ou mes amis, et je les ai vus se développer et se répandre avec plaisir, mais je ne peux pas m'empêcher de douter que nos discussions sur la déconstruction de l'opposition amour-amitié aient pu passer carrément dans une autre langue.

Donc je me contente de parler anglais. Et je ne suis pas bien sûr·e de pouvoir expliquer le décalage que ça cause.

Un exemple. Quelque chose que j'ai pensé, récemment : est-ce que c'est une des raisons pour lesquelles je n'ai pas vraiment mis ma famille au courant ? Ma tentative de leur dire était plus pour le principe qu'autre chose, je ne suis même pas sûr·e d'avoir prononcé le mot "asexuell" en en parlant à ma mère, et je n'ai pas vraiment essayé de le dire à mon père du tout. Je sais qu'il y a d'autres raisons, mais en y réfléchissant, une conversation sur le sujet serait probablement forcé de commencer comme ça :

Kaz: Hey Mama, kann ich mal was mit dir besprechen?
Kaz's mum: Ja, was ist denn?
Kaz: Klasse, ich erklär's dir gleich. Aber, äh, ich muss erst die Sprache wechseln...

[Traduction :
Kaz -- Eh Maman, je peux te parler ?
Mère de Kaz -- Oui, qu'est-ce qu'il y a ?
Kaz -- Cool, je vais t'expliquer. Mais heu... d'abord il faut que je change de langue ...]

Et je ne crois pas que je puisse affronter ça.

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1 WTFromantic (prononcer "what-the-fuck-romantic") : mot utilisé par des gens qui n'ont pas envie d'une relation amoureuse au sens classique mais ne sont pas non plus aromantique, et qui ne trouvent pas d'autre mot pour se décrire.
2 Asexuel-gris : personne qui se trouve dans la zone grise entre sexualité et asexualité (cf le logo d'AVEN).
3 Genderqueer : identité de genre qui n'est ni homme ni femme.
4 Relation queerplatonique : relation hors de l'opposition amoureuse-platonique.
5 Courgette : partenaire dans une relation queerplatonique.

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