25 oct. 2010

Relations avec les sexuels

Ce texte est une traduction de Relationships with sexual people, publié par David Jay en août 2006.


La plupart des gens dont je suis proche sont sexuels. Comme je fonde mon intimité sur les communautés auxquelles j'appartiens, aucune de ces relations n'est vraiment une Relation avec un grand R, mais ça vaut quand même le coup de le remarquer. J'ai été capable de faire énormément de choses dans mes relations sans que la question de la sexualité se pose (ou en tout cas sans que ça devienne incontrôlable.)

Mon secret a été d'apprendre à brouiller les frontières entre l'amitié et la relation amoureuse. C'est incontournable, pour les gens sexuels une relation amoureuse sans sexe est extrêmement limitée. Après tout, les relations amoureuses sont là où ils sont censés vivre leur sexualité, et leur demander d'en avoir une sans sexualité revient à leur demander de faire taire une bonne partie d'eux-mêmes. L'autre possibilité, comme on ne le sait que trop bien, est de nous demander de faire taire une partie de nous et d'avoir des relations sexuelles forcées par égard pour notre partenaire. La relation est contrainte de se développer autour d'une incompatibilité fondamentale. Notre capacité à tolérer la sexualité et la capacité de notre partenaire à tolérer son absence doivent s'étirer douloureusement jusqu'à se rejoindre. Ça marche. Si un Montague et une Capulet arrivent à construire une relation, un asexuel et un sexuel peuvent sûrement aussi, mais c'est pas forcément joli.

Qu'on s'entende bien, ce n'est PAS comme ça que je fais. Peut-être que j'ai mariné un peu trop longtemps dans la marmite couleur lavande d'AVEN, mais un arrangement centré à ce point sur la sexualité me fait frémir d'horreur. Si mes années de frasques asexuelles m'ont bien appris une chose, c'est que chaque fois qu'on parle de sexe, ce n'est jamais vraiment à propos de sexe. Il faut creuser un peu plus loin.

Qu'est ce que les gens sexuels veulent dire par "avoir besoin de sexualité" ? La science n'a encore jamais trouvé d'effet négatif au fait de se passer de sexe, à part la théorie générale qui veut qu'avoir trop envie de quelque chose et le réprimer soit mauvais. Quand ils n'ont pas de relations sexuelles, ils deviennent en théorie (mais pas forcément en pratique) de mauvaise humeur, et ce n'est pas drôle d'être avec quelqu'un de mauvaise humeur. Il pourrait être utile d'arrêter de voir la sexualité comme une pulsion naturelle, et de la voir comme une espèce d'identité. Pour la plupart d'entre vous qui m'écoutez*, l'asexualité est une partie importante de vous. On peut voir ça comme une boîte à outils d'idées et de définitions qu'on utilise pour réfléchir à nous et à nos relations, pour se décrire aux gens et de façon générale pour vivre sans être complètement perdu. (Ce qui ne veut pas dire que beaucoup d'entre nous ne l'ont pas été.) Et s'il en allait de même de la sexualité ? Et si le sexe et les désirs qui vont avec faisaient tellement partie intégrante de la façon dont les gens sexuels se voient et voient leur vie que leur demander subitement de vivre dans un monde sans sexe équivaudrait à nous demander de vivre dans un monde sans AVEN ?

(Ce n'est pas pour comparer AVEN et le sexe, vous savez bien lequel est le mieux.)

Donc les gens sexuels n'ont pas seulement besoin du sexe pour les endorphines, ils en ont besoin pour se comprendre et s'étudier. Le truc important à comprendre, c'est que nous n'avons pas à être l'arène de leurs réflexions pour être proche d'eux. On n'a même pas à les aider ; tout se qu'on a à faire est d'éviter d'être dans leurs pattes. Les gens sexuels sont tout aussi capables d'intimité non sexuelle que nous, ils en ont simplement moins l'habitude.

Alors comment évite-t-on d'être dans leurs pattes ? Faites-leur remarquer les faits. A moins que votre partenaire crève d'envie d'explorer sa sexualité avec quelqu'un qui n'a ni expérience ni intérêt pour la chose, sa relation avec vous n'est probablement pas l'arène qu'il cherche. Si vous n'avez jamais eu de relations sexuelles, jouez la carte de la virginité. Les gens se pâment devant l'univers de possibilités érotiques que leur première fois leur a ouvert ; vous regarderiez votre montre et demanderiez s'il y a quelque chose de bien à la télé. Et sans faire de comptes d'apothicaire, est-ce que votre partenaire a vraiment quoi que ce soit à perdre d'une relation avec vous ? S'il recherchait sexe, intimité et compagnon de vie, et n'a plus à chercher que le sexe, n'est-ce pas une belle amélioration ?

Il faut en convenir, c'est là que ça redevient délicat. Comme je l'ai dit dans les podcasts précédents, je suis un garçon facile, la plupart de mes amis le sont aussi, et aucun d'entre nous n'a vraiment de mal à séparer l'intimité du sexe. Tout le monde n'a pas cette chance. Pour certains, le sexe, l'intimité et la vie de couple ne peuvent pas être séparés si facilement. Ce n'est pas parce que l'intimité et la vie de couple sont là qu'un désir sexuel immuable arrive avec eux. (Cf pièce à conviction numéro un, dans laquelle les gens sexuels forment d'intenses relations platoniques les uns avec les autres depuis la nuit des temps.) C'est parce que quand l'intimité et la vie de couple sont servies avec des frites et une part de gâteau AVEN, le sexe est à la carte. Votre partenaire ne veut pas devenir plus intime parce qu'il se réserve pour une relation qui inclura du sexe et qui arrivera comme par miracle un jour sur son cheval blanc.

C'est dans ce genre de moment qu'il faut faire remarquer le problème de logique qu'il y a à "se réserver" pour quelqu'un d'autre. Le truc vraiment fantastique avec l'amour c'est qu'il y en a toujours. L'amour est une action, pas une matière première : quand on aime davantage, on devient meilleur en amour. Et à moins que chercher cette relation répondant à tous ses besoins soit un boulot de 40 heures par semaine (dans ce cas arrêtez-le !), il n'y a aucune raison qu'il ne puisse pas rendre cette relation plus riche en menant la relation avec vous aussi loin que possible. Et qui sait ? Une fois qu'il se sera servi une bonne grosse tranche de gâteau AVEN, le cheval blanc paraîtra peut-être de plus en plus sorti d'un conte de fée.

____________________________
* NDLT : Cet article est d'abord un podcast (disponible à la même adresse).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire