22 juin 2010

Confessions d'un asexuel dévergondé - 2ème partie

Ce texte est une traduction de Confessions of an Asexual Slut, Part 2, publié par David Jay en juillet 2006.


Pour tous mes auditeurs* sexuels, ne le prenez pas mal. C'est vrai, vous savez bien que je n'ai que de l'amour à donner, et je sais que vous savez que je sais le partager. Vous voyez, j'ai appris à connaître l'être humain sexuel intimement. J'ai appris à voir à l'intérieur de vous, à travers vous, dans tous vos recoins, et j'en ai tiré ma conclusion : le sexe rend un peu prude.

C'est une chose de s'aspirer mutuellement le visage ou de jouer au ping-pong avec ses fluides corporels, mais quand on parle de véritable et tangible intimité non sexuelle, la moitié d'entre vous ont peur de montrer ne serait-ce qu'une cheville.

Je m'explique : quand je dis "intimité", je ne parle pas de quand on se regarde dans le blanc des yeux à la lumière des bougies en se tenant la main. Je parle de vulnérabilité, de chercher les zones les plus sensibles de notre être et de voir ce qu'on peut ressentir avec. D'après mon expérience, si vous savez faire ça, si vous savez vraiment faire ça, ce sera bien plus intense que n'importe quelle relation sexuelle. Parce qu'au fond, les zones sensibles sous la ceinture ne sont, au mieux, qu'une gentille métaphore pour ce qui se passe à l'intérieur.

Je voudrais m'adresser à tous les asexuels, pour les aider à prendre du recul et avoir une vision d'ensemble. Vraiment, j'adore les sexuels, mais ils ont toujours une tendance énervante à prétendre que nous, les asexuels, n'existons pas. Ils commencent par refuser l'existence de notre population toute entière, et quand ils l'acceptent enfin, ils veulent ignorer totalement notre existence en tant que partenaires potentiels. D'autres intellos de la communauté et moi attribuons ça à ce que nous appelons "l'opposition sexuel/non sexuel", c'est-à-dire à l'idée que les plaisirs, les désirs et les relations qui sont "sexuels" sont fondamentalement différents des plaisirs, désirs et relations qui ne le sont pas.

Vous pouvez faire une petite expérience pour comprendre de quoi je parle. Décrivez à quelqu'un une personne très proche, et laissez une grosse ambiguïté sur le fait que vous soyez "juste amis" ou "plus" avec la personne. Votre interlocuteur va devenir de plus en plus nerveux, et finira par vous interrompre au milieu d'une phrase pour savoir si vous faites des galipettes ensemble, de la même façon qu'il vous interromprait si vous parliez d'un nouveau-né sans avoir mentionné les caractéristiques de ses organes génitaux.

Pourquoi ? Parce que la plupart des gens sexuels sont incapables de voir les relations d'une façon sérieuse s'il n'est pas question de sexe. Pour eux, les Relations amoureuses avec un grand R sont dans une catégorie, l'amitié est dans une autre, et le sexe est la ligne de démarcation. Ils nous considèrent une demi-seconde, moi (pas si moche que ça) et mon asexualité, et commencent à se lamenter du fait qu'on ne pourra jamais traverser cette ligne, me déclarant une fois pour toute incapable de leur rendre le désir qu'ils pourraient éprouver.

C'en est presque mignon.

J'en ai déjà parlé dans la première partie, mais je peux rendre plus de désir que la barmaid de la Taverne du marin en chaleur sur l'Île des catins. En fait, l'intérêt du sexe n'est jamais uniquement sexuel. Chaque fois que quelqu'un est attiré sexuellement par moi, il y a plein de petits désirs non sexuels sous-jacents qui luttent pour atteindre la surface. Le désir pour des choses comme la validation de l'autre, la sécurité, l'intimité, le pouvoir ou le soulagement. La personne peut faire comme si ces désirs n'existaient pas, comme si son besoin de sexe était pur et bien loin de sentiments dégoûtants comme la vulnérabilité. Mais refouler un désir aura pour seule conséquence de le rendre plus fort, et un fort désir est exactement ce que cette barmaid aime.

C'est ça le secret : le sexe en soi-même c'est toujours ennuyeux. Je n'ai jamais vu de personne sexuelle, pas même une, qui aime le sexe pour le seul plaisir du pénis dans le vagin. Dans les bars, les clubs ou aux soirées étudiantes alcoolisées, les gens qui draguent à la recherche de coups d'un soir bouillonnent d'énergie non sexuelle. Ils veulent frimer pour la galerie, ils veulent se prouver qu'ils en sont capable, ils veulent se détendre, ils veulent être proche de quelqu'un sans s'embêter à devoir le rester. Les nouveaux couples débordent du besoin d'être tendre, de rendre l'autre heureux, de construire leur intimité ou de l'éviter, d'affirmer leur pouvoir sur l'autre ou d'y renoncer. Tous les gens qui ont des relations sexuelles le font pour une raison. Ça devient intéressant quand les gens arrêtent d'avoir une raison. Quand ils ne recherchent plus rien, quand tout dans leur couple a été résolu et va comme sur des roulettes, le sexe n'est plus en question. C'est comme un seau d'eau : il n'éclabousse que quand quelque chose secoue la poignée.

Écoutez-moi bien, tous mes asexuels dévergondés en herbe. La prochaine fois que quelqu'un vous drague ou commence à se plaindre qu'il ne trouve personne à mettre dans son lit, examinez-le bien. Regardez au-delà du sexe, au-delà de la frustration sexuelle, de l'anxiété des corps et de la tension réprimée, et tachez de voir qu'est-ce qui secoue la poignée de ce seau-là. Dites-le lui, qui sait comment il réagira.


3e partie
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* NDLT : Cet article est d'abord un podcast (disponible à la même adresse).

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